viernes, 24 de junio de 2011

LA NUQUE DE MARY

Jusqu'à ce matin, je ne savais pas qui j'étais. On m'appelle Mary. Maintenant je sais que ce n'est pas mon vrai nom. Je n'ai d'autre foyer que l'internat où j'ai toujours vécu. La directrice dit que j'ai 10 ans. Je pense que je suis quelqu'un de spécial puisque mes yeux sont bleus et mes cheveux blonds. De temps en temps j'entends les grandes personnes commenter la perfection de mon physique. Elles disent que je suis excessivement belle. Je ne suis pas de cet avis ; j'ai un grain de beauté, une étoile, sur la pommette droite qui ne me plaît pas du tout. Je n'ai pas de famille. Deux fois par an, je reçois la visite d'un monsieur dont je ne connais pas le nom. Il m'emmène à l'infirmerie où sans lui je n'irais jamais. Je ne tombe pas malade, je n'ai pas besoin de vaccins. Mes compagnes racontent qu'à l'infirmerie on est cajolé. Je n'en suis pas sure mais peut-être qu'une petite grippe me ferait du bien.

Le monsieur,  la seule personne que je connais en dehors de celles de l'internat, ouvre sa mallette, sort ses instruments et m'ausculte partout, en dehors et en dedans. Il possède un ordinateur qui attire ma curiosité ; une espèce de plaque vitreuse qu'il tripote sans arrêt pendant que je réponds à ses questions. Une fois, je lui ai demandé où se trouvait le disque dur. Il est aimable ce monsieur, je crois. Il l'a sorti de sa poche, et me l'a monté ; une petite boîte noire de la grandeur d'une boîte d' allumettes comme celle dont j'ai vu la photo dans un vieux livre de la bibliothèque. Moi, je préfère lire dans les livres de papier plutôt que dans les livres électroniques. Là aussi je me distingue des autres filles d'ici. Les questions du monsieur sont toujours les mêmes. Mes réponses ne varient jamais bien que je réponde consciencieusement.
- Ces derniers mois, as-tu été malade ?
- Non.
- As-tu mangé excessivement ?
- Non.
- As- tu menti ?
- Non.
- T'es-tu fâchée ?
- Non.
- As-tu volé ?
- Non.
- As-tu été malheureuse ?
- Non.
- As-tu été heureuse ? ( Tiens, une nouvelle question)
- Je ne sais pas. Je crois que sans malheur, pas de bonheur.
- Hmm.
Nous continuons ainsi pendant une demi-heure au bout de laquelle il me passe l'écran de son ordinateur dans le dos, ce qui me chatouille la nuque. Chaque fois, avant de partir il dit "parfait". Moi je suppose qu'il veut dire "excellent". "Excellent" est la note que j'obtiens à toutes les matières scolaires, à celle-ci aussi.

Catherine et moi, nous partageons la même chambre. Elle est plus âgée que moi de cinq ans. Je crois qu'elle aussi est aimable. Ce matin, je lui ai demandé de tresser ma chevelure. Elle avait presque terminé lorsqu'elle a poussé un petit cri.
- T'as quelque chose de bizarre dans la nuque. Un rond dur sous la peau. Putain ! c'est pareil que la puce électronique de mon chien.
Elle a couru chercher son portable, et s'est mise à me scanner la nuque.
- Putain, c'est fou ! T'as au moins 20GB de données fourrés dans le cou. J'me trompe pas. C'est une puce. Viens, on va à la salle d'informatique.
Elle a connecté son portable à la prise USB de l'un des centaines d'ordinateurs du collège, et nous avons commencé a lire.
- C'est tout en anglais. T'y comprends rien, n'est-ce pas ? Laisse-moi déchiffrer tout ça, et après j'te raconte.
Pendant que je l'observais, je me suis demandé si je ne ferais pas mieux de la conduire à l'infirmerie. Elle était au bord d'une syncope.
- Oh, petite Mary, tu es transgénique.
- Comme le maïs, le soja, le brocoli, les cochons ?
- Oui, ma chérie. T'appartiens à la multinationale Masancta Unlimited. Ton nom est Lab-Sur-2134-lit.251-2/10. Le brevet est déposé à l' Europäisches Patentamt, München, Allemagne. 2134 ça doit être l'année de ta naissance. Lit pourrait signifier "litter", portée en anglais. T'as été la deuxième de dix qui sont nées de la même grossesse dans un laboratoire de Surrey, Angleterre. Tes neuf soeurs et toi, vous êtes toutes identiques. Vous avez toutes le logo de Masancta, une étoile, sur la pommette droite. Ta mère est décédée pendant la césarienne. Etudiante en biologie, elle s'était prêtée à l'expérimentation en échange de 5 000 livres sterling. Attends ! Ici ça met que quelqu'un, le nom n'y figure pas, à déjà une option sur toi. Il a payé 10 millions de dollars, 10 millions de plus seront dûs le jour de ta livraison. Chaque mois, il envoie les frais de ton éducation par virement bancaire à l'internat. Regarde, ici il est stipulé que ta santé aussi bien corporelle que mentale est garantie jusqu'à ce que tu atteignes l'âge de cent ans. Pour chaque enfant que tu engendreras, le paiement convenu est de 50 000 dollars, valeur de 2134, à laquelle on ajoutera le pourcentage de l'inflation annuelle déterminé par la Banque Internationale de Développement et de Soutien aux blablabla. Cette clause s'étend à tous tes descendants, ceux-ci restant propriété de Masancta Unltd.

c'est en sanglotant que Catherine a éteint l'ordinateur. Moi, je n'ai pas pleuré. Je ne sais pas pleurer 

5 comentarios:

C.C. dijo...

Emma, Antonio, ça ne serait pas la multinationale en question qui essaye de saboter mon blog ? Ahahah!

Zafferano dijo...

Je ne sabé hable´francé!

Un baisier!

C.C. dijo...

Por eso tienes una versión española más o menos igualita más abajo.
Besazo para ti.

Antonio de Castro Cortizas dijo...

A veces me pasa con mi ordenador, y tengo que mandar los comentarios desde el trabajo. Pero esta vez ni así, ni siquiera mandándolo como anónimo y firmándolo luego, y lo mismo me sucede con otros blogs. Ahora que habláis de Italo Calvino, el cuento lo puede recordar un poco, aunque a mí me hizo pensar también en Phillip K. Dick, el de los androides que sueñan con ovejas eléctricas. Creo que sería bueno que escribieras más cosas de este tipo, se te da bien.
Un saludo.

C.C. dijo...

Gracias, Antonio.La idea del cuento es mía. Si menciono a Calvino, es simplemente porque estoy leyendo sus cuentos ( después de haber escrito el mío) publicados bajo el título "La Gran Bonanza de las Antillas", Colección Andanzas de Tusquests Editores. No hay ninguno que se paresca al mío.
Lo que quería decir, es que después de haber leído a tal maestro, me da vergüenza la prosa mía.¡ Qué pobre !